Icône d’absence
Icône d’absence, 2025 tirage lambda couleur – 120 x 80 cm ©halidaboughriet ©adagp
Cette photographie n’est pas un simple portrait ; c’est un témoin spectral et une machine à démémoire. En faisant face au visage de Fatima, l’observateur est immédiatement projeté dans la béance du 17 octobre 1961, que l’on pourrait qualifier de « zone d’ombre » persistante dans le récit national français.
L’artiste ne documente pas l’événement, il en expose la blessure. Le portrait de Fatima Bédar, 15 ans, retrouvée dans le canal et cyniquement déclarée « suicidée » par l’administration de l’époque, n’est pas une image de présence, mais l’incarnation de l’occultation d’État. La puissance de la photographie réside précisément dans ce qu’elle refuse de montrer : la « masse » des manifestants pacifiques, la dignité algérienne face à l’injonction ségrégative de Papon, et la vérité brutale des corps engloutis dans la Seine, transformée en fosse commune liquide.
Icône d’absence fonctionne comme une hantise visuelle. Le mensonge administratif jeté sur la mort de l’adolescente un « suicide » est le symbole ultime de la dénégation républicaine, une chape de silence institutionnelle. Fatima, en tant que « martyre contrainte » et figure hyper-visible de la jeunesse sacrifiée, force l’observateur à reconnaître la violence structurelle. Cette œuvre, où le portrait redonne une visibilité critique non seulement aux victimes, mais surtout aux femmes algériennes trop souvent effacées des récits de cette répression. Fatima était en effet la plus jeune militante du FLN lors de ces manifestations. Elle est un cri silencieux qui monte des eaux troubles de l’oubli pour exiger justice et reconnaissance, un contre-monument à l’amnésie. ( k.B)


